La restauration du patrimoine architectural de Khiva

Ma-Li Wenbo
Hamidjon Atabayevich Babayev (Ouzbékistan) et Abdulla Boltaboyevich Yusupov (Ouzbékistan)

« Je paierais un sac d’or pour pouvoir jeter un coup d’œil sur Khiva. »

Ce vieux proverbe de l’Asie centrale reflète la beauté de la ville antique de Khiva.

Situé dans l’Etat de Khwarezm en Ouzbékistan, Khiva a été construit au Xe siècle, alors que la dynastie des Khwârazm-Shahs était en plein essor. La ville de Khiva, tel un monument historique unique, montre au monde la civilisation glorieuse de cette dynastie ancienne.

Les lumières de Khiva ont attiré nombre de caravanes de chameaux. En tant qu’escale importante sur la Route de la soie, cette ville antique ressemble à une vieille personne qui a connu des vicissitudes. Elle a été témoin de la prospérité de la route commerciale et de l’interaction continue des civilisations orientales et occidentales.

La restauration du patrimoine s’impose

La ville antique de Khiva est un modèle d’architecture islamique en Asie centrale. On y trouve 8 mosquées, 31 médersas, 14 minarets, 12 mausolées et 6 palais royaux. Les différents édifices présentent des styles architecturaux de diverses époques et ont d’importantes valeurs historiques, culturelles et artistiques.

Les films Bo Ba Bu, Orlando et Merosxo’r nous permettent d’admirer l’aspect légendaire et unique de la ville.

La ville entière est un vestige culturel. Itchan Kala, ville intérieure de Khiva, est l’un des quatre biens ouzbeks inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Malheureusement, certains de ses bâtiments ont été détériorés à divers degrés par le temps.


Un monument historique à Khiva

La médersa Amir Tura et la mosquée Hassan Murad Kushbegi sont parmi les édifices les plus vétustes et exigent les techniques de restauration les plus compliquées. La médersa, construite dans les années 1740, n’a bénéficié, en deux cents ans, que d’une restauration partielle en 1983. Aujourd’hui, les fissures sur les murs sont de plus en plus grandes, la plus grande étant large de près de 30 cm. Le mur sud-est penche et s’affaisse de 50 cm. Quant à la mosquée, construit à la fin du XVIIIe siècle, des problèmes existant au sol, au carrelage mural, aux murs et aux structures en bois l’ont également endommagée de manière importante.

Les bâtiments vieillissent au fil du temps. Sans une restauration complète et immédiate, la perte ne pourrait être réparée.

En 2014, le gouvernement ouzbek a décidé de restaurer la ville de Khiva. A sa demande, l’Institut de recherche sur le patrimoine culturel de Chine a envoyé une équipe d’experts travailler sur le projet de restauration.

Restaurer le patrimoine en gardant son aspect ancien

Kasymov, habitant de Khiva, éprouve un amour profond pour sa ville. Il aime raconter aux enfants des histoires de cette ville antique devant la porte de la médersa Amir Tura au coucher du soleil.

Ayant participé aux travaux de restauration de Khiva dans les années 1980, il connaît bien l’état du patrimoine de la ville. Ayant entendu qu’une équipe chinoise allait y rénover de vieux édifices, il s’est proposé de servir d’assistant à l’équipe, qui s’est réjouie de sa participation.

Les matériaux sont la clé pour la restauration.

Kasymov a profité de ses relations personnelles pour se procurer une grande quantité de ciment et de peinture à un prix inférieur à celui du marché. Cependant, l’équipe chinoise lui a dit qu’elle n’utiliserait ni ciment ni peinture, mais des matériaux traditionnels.

Confus, Kasymov est allé interroger l’ingénieur chinois Yan Ming : « Il y a 30 ans, on a utilisé des nouveaux matériaux ! Pourquoi ne voulez-vous pas en utiliser aujourd’hui ? Pour faire des économies ? »


Médersa Amir Tura

Face à la réaction de Kasymov, Yan Ming a répondu avec patience : « Avez-vous oublié ? Votre souhait le plus cher, c’est queles touristes puissent voir et ressentir la longue histoire de la ville. Comme vous, nous chérissons beaucoup le patrimoine. Les matériaux traditionnels permettent de garder vivantes les informations historiques. Certes, l’emploi des matériaux d’aujourd’hui pourrait accélérer les travaux, mais est-ce que vous voulez voir un vieillard avec un visage de bébé ? »

Ils sont ensuite allés devant un mur ancien dont les fissures avaient été réparées avec du ciment il y a 30 ans. Yan Ming a retiré le ciment de l’une des fissures et l’a comblée avec du mortier préparé de manière traditionnelle. Il a demandé à Kasymov de comparer les fissures pour évaluer lequel des deux matériaux convient mieux à ce bâtiment.

D’un seul coup d’œil, Kasymov a compris. « Mon ami va venir reprendre le ciment et la peinture immédiatement. » En riant, il a donné un coup de pied à un sac de ciment et a plaisanté : « Tu n’auras pas la chance de contribuer à ce travail sacré ! »

En tant que membre de l’équipe de restauration, Kasymov a retiré le ciment qu’il avait mis dans les fissures du mur il y a 30 ans, et effectué la réparation par la méthode proposée par les experts chinois.

La technique est également un élément clé pour la restauration.

Après une étude minutieuse, l’équipe chinoise a décidé d’adopter la méthode que l’on avait employée pour restaurer la tour de la passe Jiayuguan, à l’extrémité ouest de la Grande Muraille en Chine..

Le travail destiné à réparer toutes les fissures sur les murs ainsi que le plafond a duré à lui seul quatre mois.

L’équipe a également consolidé les fondations des bâtiments pour prévenir les fissures causées par un éventuel affaissement. C’est une mesure préventive efficace pour protéger le patrimoine.

De plus, les experts chinois ont présenté aux ouvriers et aux habitants locaux les techniques utilisées en Chine pour protéger le patrimoine et des conseils sur la protection du patrimoine. Peu à peu, les ouvriers ont maîtrisé les techniques de restauration des bâtiments anciens. Ils sont d’accord avec les experts chinois en ce qui concerne l’idée de restaurer le patrimoine en gardant son aspect authentique.

En 2019, les travaux destinés à consolider les fondations et à réparer les bâtiments ont été achevés avec succès. Kasymov a témoigné du renouveau de la médersa. Depuis sa naissance, c’est la première fois qu’il voit la médersa et la mosquée aussi belles et solennelles : toutes les traces de la restauration précédente qui faisaient dissonance ont disparu pour retrouver l’aspect traditionnel des édifices. Le cœur de Kasymov est rempli de fierté lorsqu’il contemple sa ville pleine de charme. « Le Khiva délabré s’en est allé, dit un habitant local. Il laisse place à la ville à laquelle on aspirait depuis longtemps. »


Enfants dansant devant la mosquée Hassan Murad Kushbegi

Le projet avançait, les principaux travaux de restauration de la médersa et de la mosquée avaient été achevés, et la place située entre les deux bâtiments avait été pavée. La prochaine étape était les équipements d’éclairage, ce qui était très attendu par les résidents du quartier.

Ayant entendu parler que l’on allait essayer l’éclairage, ce soir-là, les enfants de la ville se sont rendus sur la place de bonne heure. Après un bruit d’interrupteur, la médersa et la mosquée se sont éclairées. Les enfants qui voyaient pour la première fois cette scène étaient transportés de joie.

Les jeunes sont retournés à Khiva

« Je ne savais pas que l’histoire disparaîtrait peu à peu et je ne me suis pas rendu compte de l’importance de Khiva. Je suis resté pendant longtemps dans une grande ville, mais j’ai ignoré la longue et glorieuse histoire de notre pays. Grâce à Khiva, j’aime davantage mon pays. Cette ville permet aux étrangers de mieux comprendre notre culture. La restauration est un travail précieux, car nous devons rendre à la ville son ancienne physionomie afin qu’elle continue de nourrir suffisamment ses jeunes de par son histoire et sa culture. Je souhaite participer à ce travail. »

L’homme qui parle est un jeune Ouzbek qui s’appelle Moubarak.

Khiva est sa ville natale. Après son retour de la Chine où il avait fait ses études, il s’est installé, comme beaucoup de ses camarades de classe, dans la capitale Tachkent. Il a été touché par la nouvelle selon laquelle des experts chinois restauraient des bâtiments anciens à Khiva.

Après mûre réflexion, Moubarak est retourné à Khiva pour servir d’interprète aux ingénieurs chinois. Il a voulu contribuer au développement de sa ville natale.

Aujourd’hui, à Khiva, il y a de plus en plus de jeunes comme Moubarak. La restauration de la ville antique leur a permis de reconsidérer cette dernière. Ils sont fiers de cette ville.

Les jeunes sont de retour, non seulement parce que la ville antique a été restaurée, mais aussi parce qu’ils aperçoivent un bel avenir.

Auparavant, les principales attractions de Khiva bordaient l’axe est-ouest de la ville. Afin de mieux mettre en valeur le patrimoine, il était nécessaire de créer un axe nord-sud dans la ville. L’équipe a pavé les places et les rues, usant de la manière traditionnelle avec des pierres, des briques et d’autres matériaux locaux et traditionnels, ce qui facilite non seulement la vie des résidents, mais favorise le développement du tourisme.

A l’heure actuelle, plus de 300 ménages et plus de 2 000 personnes vivent à Khiva, qui s’étend sur une superficie de 26 hectares. Nombre d’entre eux ont participé aux travaux de restauration, ce qui leur permettait de subvenir aux besoins de leur famille et d’améliorer leurs conditions de vie.

Ils sont à la fois acteurs et bénéficiaires de la restauration.

Oleg est l’un d’entre eux. Après la restauration, ses affaires touristiques marchent de mieux en mieux. Chaque jour, il emmène dans sa voiture des touristes étrangers de la ville d’Urgench pour visiter Khiva. Lors de la visite de la médersa et de la mosquée, il présente avec fierté : « Ces bâtiments ont été restaurés avec l’aide des Chinois, et moi, j’ai participé aux travaux. »

Au coucher du soleil, les commerçants commencent à ranger leurs marchandises, les artisans ferment leurs ateliers et les chameaux présents pour les touristes sont ramenés à leur étable : la ville de Khiva retrouve sa tranquillité. Demain, de nouveaux touristes viendront de tous les coins du monde, apportant des opportunités commerciales et de l’espoir comme les caravanes d’il y a mille ans.

Tout le monde est convaincu que dans la nouvelle ère, la ville antique de Khiva ravivera sa gloire et apportera toujours plus de bonheur et de fierté à ses habitants.


Une rue à Khiva

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Résumé du projet

Khiva, perle sur la Route de la soie, constitue un patrimoine mondial d’une grande valeur historique et culturelle. La ville antique a une structure complète et de nombreux sites d’intérêt historique.

L’Institut de recherche sur le patrimoine culturel de Chine a pris encharge le projet d’aide pour la restauration du patrimoine de la province du Khwarezm, Ouzbékistan. Le projet consiste principalement en la restauration de deux bâtiments dans la ville antique de Khiva : la médersa Amir Tura et la mosquée Hassan Murad Kushbegi. D’une surface construite d’environ 3 000 m², la première représente l’architecture islamique des khanats de Boukhara et de Khiva, datant du XVIIe au XIXe siècle. Construite à la fin du XVIIIe siècle, la mosquée est un exemple typique des petites mosquées à Khiva, et sa superficie au sol est d’environ 188 m².

L’équipe chinoise de protection du patrimoine s’est installée dans cette ville située au bord du désert. En diffusant des idées et formant des talents, elle s’est engagée dans la restauration de la ville ancienne avec les habitants locaux, composant ainsi une ode à l’amitié entre la Chine et l’Ouzbékistan.